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octobre 2016

Témoignage de Jean-Michel, chef de police

jmichel-Jean-Michel, chef de police
à La-Teste-de-Buch (27 000 habitants),
président de l'Association Nationale des Cadres de la Police Municipale

Quel est votre parcours ?

J'ai fait un passage en gendarmerie pendant mon service militaire, puis j'ai travaillé dans le privé. Le hasard m'a mis en relation avec une collectivité balnéaire du nord de la Gironde, Soulac-sur-Mer, qui passe de 5000 habitants l'hiver à 60 000 l'été. J'y ai été recruté comme policier municipal en 1991, après avoir passé le concours.
J'ai fait deux ans d'études de droit en parallèle de mon travail, puis j'ai passé le concours de chef de service en 2001, lorsque la fonction de catégorie B a été créée.

Que faites-vous aujourd'hui ?

Je dirige la police municipale à la Teste de Buch, une commune de 27 000 habitants sur le bassin d'Arcachon. C'est la troisième plus grosse commune de France en superficie. C'est une commune urbaine, touristique et rurale, avec 10 000 hectares de forêt. Elle est le poumon économique du bassin, avec un centre urbain de 20 000 habitants, la base militaire de Cazeaux au sud, l'île aux oiseaux, la Dune du Pyla et une façade atlantique qui accueille plusieurs dizaines de milliers d'habitants l'été.
La police municipale compte 16 policiers et deux agents administratifs. Ils ont des armes de sixième catégorie (tonfa et bombe lacrymogène). Dans ma précédente affectation à Soulac, les policiers étaient armés en quatrième catégorie.

Quelles sont vos missions ?

Nous avons des brigades d'îlotage en contact avec la population et les commerçants, surtout en centre-ville. Nous nous occupons de la surveillance de la voie publique (troubles à la tranquillité, différends de voisinage, accidents), le contrôle de la vitesse et des ceintures en voiture, de l'urbanisme, de la pollution (les déversements, les déchets sauvages), de l'affichage. Nous avons une brigade équestre qui s'occupe de la forêt. La nouvelle équipe municipale souhaite aussi mettre en place une brigade nautique.

Le concours pour devenir policier municipal est-il très difficile ?

Le taux de sélection est devenu très important : on a jusqu'à 100 candidatures pour un recrutement au niveau national. Au dernier concours interrégional qui s'est tenu en Aquitaine, il y avait 20 à 25 postes pour 600 candidats.
A mon concours de chef de service, c'était 20 postes pour 400 candidats. Des diplômés à bac+3 ou 4 sont monnaie courante dans la profession. Certains ont aussi une expérience en gendarmerie ou en police nationale.

Pour avoir une chance, il faut donc beaucoup préparer…

Oui, c'est celui qui est le mieux préparé qui a le plus de chances de réussir… On peut se préparer dans les livres ou en suivant des cours du soir de préparation en français. Certaines universités les proposent, comme la fac de Bordeaux.

La police municipale a-t-elle changé ces dernières années ?

Depuis 1994, il y a eu une évolution statutaire importante. Les dispositions législatives ont de plus en plus professionnalisé la police municipale. Elle ne s'improvise plus comme il y a quelques décennies.
La formation a énormément évolué.
Au début, on passait un examen et on se retrouvait tout de suite sur la voie publique. Aujourd'hui, la formation initiale est très importante. Pendant six mois, le policier acquiert une culture de son métier au CNFPT (centre national de la fonction publique territoriale).
Ensuite, il y a une formation continue obligatoire (FCO) de dix jours tous les cinq ans pour les gardiens et de 10 jours tous les trois ans pour les chefs de service. Cela permet de réactualiser ses connaissances. Les services entretiennent aussi une veille juridique pour informer les agents.

En quoi consiste la formation de chef de service ?

Je suis issu de la toute première promotion de chef de service. La formation dure 9 mois pour le concours externe et 6 mois pour le concours interne que j'ai passé.
La formation suit un référentiel dans lequel le chef de service est encadrant, manager et conseiller technique du maire. La formation varie selon la commune, sa dimension, son mode de fonctionnement. Dans les plus grosses communes, les chefs de services sont davantage des encadrants que des conseillers techniques.

Quels profils de personnes recrutez-vous ?

Nous avons deux profils : le jeune candidat, avec un diplôme universitaire ou pas, qui trouve un intérêt dans les missions de sécurité publique, et la personne qui a de l'expérience de voie publique en police nationale, en gendarmerie ou en police municipale (comme agent de surveillance de voie publique ou ASVP).
L'approche du recrutement peut être différente d'une collectivité à l'autre. Cela dépend des besoins. On peut mettre l'accent sur l'expérience en recrutant un policier municipal venu d'une autre collectivité ou recruter un jeune lauréat du concours qu'on va former à la spécificité de la commune.

Recevez-vous beaucoup de candidatures de personnes expérimentées ?

On a de plus en plus de gendarmes et de policiers qui viennent dans la police municipale parce qu'ils veulent avoir une vie de famille moins contrainte et changer d'administration tout en gardant leurs acquis d'expérience. La filière de police municipale s'étant éclaircie, il y a de plus en plus de similitudes avec un agent de police judiciaire. Depuis début 2006, il est devenu possible d'être détaché de la fonction publique d'Etat pendant deux ans. Cela inquiète d'ailleurs un peu la profession, car ces personnes n'ont pas forcément la culture de la police municipale...

Que conseillez-vous aux lauréats du concours pour trouver un emploi ?

A la réussite au concours, le candidat est inscrit sur une liste d'aptitude gérée par le centre de gestion de la fonction publique territoriale, liste consultable sur internet. Il est possible d'y consulter la liste des collectivités qui ont créé des postes. Les personnes peuvent répondre aux annonces publiées dans les revues spécialisées comme la Gazette des Communes ou sur les sites comme www.police.online.fr, www.metier-securite.fr et www.territorial.fr. Ou faire des candidatures spontanées.
Il y a moins de candidatures et de pression en région parisienne. Les candidats ont donc plus de chances d'y obtenir un poste.

Certaines grosses communes ont du mal à garder leurs jeunes recrues qui partent ensuite dans des communes plus petites…

Il arrive en effet que les personnes recrutées partent dès qu'elles sont titularisées, au bout d'un an. Un dispositif est en train de se mettre en place pour endiguer ce phénomène. Si le policier s'en va dans les trois ou cinq ans après le recrutement, la collectivité qui l'accueille devrait passer un accord de remboursement partiel des frais de formation. Les petites communes préfèrent payer et avoir une personne tout de suite opérationnelle que recruter quelqu'un qui va commencer par partir six mois en formation. Mais il faut savoir que, de toute façon, la police municipale est une profession où il y a beaucoup de mobilité.

Quel est le déroulement de carrière d'un gardien de police municipale ?

Après un an de stage, on est gardien pendant quatre ans au minimum puis, au choix de l'autorité territoriale, on peut passer brigadier après deux ans, puis brigadier-chef principal. En passant des examens ou des concours, on peut devenir chef de service (catégorie B) puis directeur de police municipale (un cadre d'emploi récent, de catégorie A).